« Je veux être dans mon corps« ,
ou comment cette demande d’accompagnement
cache une peur de la mort.
Nous naissons en n’étant que corps, que sensations. Sensation de faim, de sommeil, sensation de manque de toucher ou d’absence de regard, sensation d’étouffement, sensation de froid. Lors des premiers mois de notre vie, nous ne sommes presque que sensation. Le corps dicte notre quotidien, notre lien avec nous-même et nos interactions avec l’extérieur. Peu nous importe si nous bavons, faisons des grimaces, gazouillons ou mangeons bruyamment… et notre entourage s’en réjouit d’ailleurs la plupart du temps.
Puis, nous grandissons et nous socialisons progressivement. Nous avons accès à d’autres formes de communication et notamment le langage. Notre conscience et notre perception du monde s’élargissent. Nous apprenons à nous retenir pour aller aux toilettes, à devenir poli.es, à attendre, à se conformer aux règles de l’ordre social. Les grimaces et bruits incontrôlés n’ont plus leur place. Nous apprenons à nous taire lorsque nous avons l’élan de parler, à rester immobiles sur une chaise 6 heures par jour à des âges où nous devrions grimper aux arbres et creuser des trous dans la terre. Nous entendons, à la maison et à l’école, « tais-toi », « reste tranquille », « arrête », « ne pleure pas », « tiens-toi bien », « mais non tu exagères ». Nous vivons entouré.es d’adultes qui se tiennent et se re-tiennent. Ils boivent, fument, tombent malades, se mettent en colère ou tombent en dépression. Ils sont des adultes. Nous ne pouvons pas rester des enfants, nous grandissons inévitablement, alors nous suivons leur chemin.
Nous nous taisons, nous restons immobiles, nous nous figeons, nous sommes contraints, nous tenons et re-tenons nos émotions. Nous traversons des difficultés et même des traumatismes, nous ne sommes pas entendu.es, nous ne sommes pas vu.es ; ni par nous-mêmes, ni par l’extérieur. Notre corps garde tout en mémoire. Nous nous adaptons à ce que le patriarcat nous demande : « Sers les dents, range-toi, avance et ne me dérange pas ».
Comment se laisser aller dans nos ressentis en sécurité lorsque toute notre vie, nous pensions qu'il fallait contrôler pour appartenir, être aimé.e et donc survivre ?
Les personnes me sollicitent souvent car elles ont envie d’être « dans leur corps« , de se sentir vivantes et vibrantes. La bonne nouvelle, c’est que nous sommes déjà en permanence dans notre corps. L’autre bonne nouvelle est que nous sommes vivant.es et vibrant.es. Là, quelque part au fond de nous.
Le processus pour « revenir » dans son corps est très simple.
[musique de cirque] Sous vos yeux m’sieurs dames dans quelques instants, la démonstration incroyable de la femme qui revenait dans son corps ! [applaudissements]
Non, blague à part, allons-y ensemble, maintenant : respirez tranquillement, amenez votre attention sur votre corps, ne bougez plus, cessez de lire, fermez les yeux.
….. VOUS VENEZ D’EXPÉRIMENTER L’ETAT D’ÊTRE DANS LE CORPS ! BRAVO !
Donc finalement, je n’aide pas les personnes à « être dans leur corps ». Elles le sont déjà, il suffit d’y porter son attention. En revanche, ce que je fais vraiment pour les personnes, c’est d’être à côté d’elles et leur répéter : « ça va aller, tu en es capable, tu le mérites et tu es en sécurité ».
Parce qu’en fait c’est ça la demande : « Aide-moi car j’ai peur de ce que je vais trouver à l’intérieur de moi : de la honte, de la douleur, de la colère, de la tristesse, de la culpabilité, de l’agressivité, de la peine, de l’apathie, de la terreur, du contrôle. Aide-moi à regarder en face tout ce qui m’empêche de vivre ma vie dans la joie, le sens, la connexion et l’Amour ».
Nous savons. Quelque part, nous savons que dans notre corps, nous avons retenu beaucoup ; trop. Toutes les fois où l’on aurait eu envie d’hurler, s’effondrer en pleurs, taper du pied, sautiller dans la rue, rire très fort, se débattre, fuir. Et, parfois, c’était tellement intense que nous avons du nous déconnecter de notre corps pour ne plus sentir … au nom de l’appartenance sociale et donc de notre survie. Une partie de nous croit donc que ce qui se cache dans notre corps pourrait potentiellement nous faire mourir. Et pourtant cette même partie de nous sait que c’est aussi là que l’on pourra enfin (re)trouver notre vie. Parce que notre corps se souvient aussi comment être joyeux, comment jouir, comment se nourrir ni trop ni trop peu, comment rire et contempler, comment aimer et créer.
On me demande de l’aide parce que se confronter à la mort fait peur : laisser mourir nos croyances et illusions, laisser mourir nos attentes envers l’extérieur, laisser mourir tout un paradigme. Laisser mourir qui nous pensions être et ce que nous pensions vrai.
Pour renaître, il faut laisser mourir. Pas tout d’un coup, mais une chose après l’autre. Une petite mort après l’autre. Et c’est ma mission de vous accompagner dans ce processus.